Comment Rawbank a révolutionné ses RH pour grandir

Pour étendre son réseau dans toute la RDC, des grandes villes aux régions reculées, la banque de la famille Rawji, Rawbank, a entièrement revu sa stratégie en matière de ressources humaines. Une approche payante.

Faut-il y voir une marque de confiance ? Le 14 mars, la BAD n’a pas hésité à accorder à la banque de détail congolaise Rawbank un prêt de 15 millions de dollars (12 millions d’euros). Un coup de pouce qui doit lui permettre « d’améliorer sa liquidité à long terme, de renforcer son bilan et de faire croître son portefeuille client », indique un communiqué officiel.

Il faut dire que, ces dernières années, la banque fondée par Mazhar Rawji – chef du clan familial indo-pakistanais régnant sur la distribution et l’agroalimentaire en RD Congo – et Thierry Taeymans – un Belge passé par la Belgolaise et la Banque commerciale du Congo (BCDC) – affiche une croissance insolente.

Maillage massif du territoire

De 2012 à 2016, son produit net bancaire a bondi de 46 % pour atteindre plus de 99,4 milliards de francs congolais (82,8 millions d’euros). Sur la même période, son ratio de solvabilité a augmenté de deux points, atteignant un peu plus de 26 %. Le total de bilan s’établit à 1 314 milliards de francs congolais (1 milliard de dollars), en croissance de 32 % par rapport à 2015. En mars 2018, elle a également, pour la quatrième fois consécutive, été classée meilleure banque de RD Congo par le magazine Global Finance.

Active depuis 2002, la banque des Rawji est parvenue à résister pendant seize ans aux aléas économiques et politiques, alors que deux de ses aînées ont fini par mettre la clé sous la porte : la Banque internationale pour l’Afrique au Congo (Biac) en 2016 et la Fibank en 2017.

L’un des secrets de sa réussite réside dans son réseau de 90 agences, qui couvre l’ensemble du pays et même des régions très isolées. « Nous sommes par exemple implantés à 50 km de Lodga, dans un village uniquement accessible à moto », s’enorgueillit Naima Issawi, directrice de la performance économique et sociale.

Cette soif d’ubiquité est aujourd’hui un atout, mais elle aurait pu lui coûter cher. « En 2014, notre stratégie de maillage massif du territoire nous a amenés à confier la gestion d’agences clés à des personnes occupant des postes stratégiques au siège », explique Naima Issawi, dont le poste regroupe le développement stratégique, le contrôle de gestion, le marketing, la communication et la direction du capital humain.

Nouvelles responsabilités

Cette politique d’expansion à tout prix réduit alors considérablement les effectifs du siège. Dans le même temps, elle exige un meilleur encadrement des agences. Il faut donc à la fois recruter à l’extérieur et former et identifier des talents en interne capables d’assumer de nouvelles responsabilités. Mais l’équipe dirigeante se rend vite compte que l’entreprise n’est pas équipée pour faire face à ces deux nouveaux défis.

La banque fait donc appel à Bénédicte Gérard-Dabin, consultante RH et cofondatrice du cabinet Talea Consulting Africa. Sous sa houlette, l’équipe RH amorce une petite révolution. Plusieurs chantiers sont mis en route : cartographie des métiers, définition des fiches de poste et mise en place des indicateurs de performance.

L’année 2015 marque la naissance de la direction du capital humain, une véritable direction RH chapeautée par Jeanne Masunda Grisay, ex-directrice de la communication. Concentré auparavant sur le recrutement et la gestion administrative des salariés, le service s’élargit à la gestion des carrières et à la formation continue.

Chaque nouvelle recrue passe obligatoirement par la case formation à son arrivée

Les changements se font sentir dès 2016 : « Nous avons éclairci et rationalisé nos process, ce qui nous a permis de progresser dans l’analyse des demandes de crédit et de traiter davantage de requêtes au quotidien. Nous avons aussi digitalisé notre communication interne, ainsi que les désirs de formation et de mobilité. Même dans les agences les plus reculées du pays, les demandes de formation ou de mutation sont accessibles en ligne », souligne Naima Issawi. Quant aux entretiens annuels ou de carrière triennaux, ils ont été mis en place en 2017.

Case formation

Pendant toute cette période, la banque a recruté et formé plusieurs centaines de jeunes dans sa propre académie, créée en 2010. Désormais, les effectifs se chiffrent à 1 560 collaborateurs, avec une moyenne d’âge de 37 ans. « Chaque nouvelle recrue passe obligatoirement par la case formation à son arrivée », affirme Naima Issawi.

Ajustées selon les profils, elles durent de trois à six mois à temps complet ou en alternance, sur des thématiques ciblées, et finissent toujours par deux mois sur le terrain et par des tests d’évaluation. « Nous recrutons des jeunes qui refusent la monotonie. Ils sont prêts à devenir polyvalents et à bouger », explique Naima Issawi. Une fois intégrés, les salariés, même jeunes, peuvent rapidement accéder à des postes à responsabilité : « Les profils qui cumulent trois ou quatre ans au sein de la banque peuvent être promus à la direction d’une petite agence », assure la dirigeante.

Innovations

Tous les trois ans, les collaborateurs sont amenés à changer de poste ou de région « pour comprendre la culture d’entreprise ». Grâce à la transformation RH, le nombre de mobilités est passé d’une centaine en 2016 à 250 en 2017.

Rawbank n’en est pas à son coup d’essai en matière d’innovation. Entre 2009 et 2010, elle n’a pas hésité à proposer la carte bleue à sa clientèle, l’ouverture des agences le samedi ou encore le code swift, un identifiant bancaire qui permet aux clients d’effectuer des virements vers d’autres banques et à l’étranger. Et ce dans un pays où le taux de bancarisation plafonne à seulement 6 %.

« Les dirigeants de Rawbank font preuve d’une grande capacité d’adaptation. Ils m’ont totalement ouvert leurs portes, et j’ai pu rencontrer absolument tout le monde très facilement, du simple employé au dirigeant », raconte Bénédicte Gérard-Dabin. L’accessibilité semble être notamment la marque de Mustapha Rawji : « Les décideurs sont très accessibles. À l’époque où je voulais travailler avec eux, j’ai rapidement eu accès à Mustapha Rawji. Je garde le souvenir d’un homme très chaleureux et qui pense vite », confie Vincent Siraut, conseil en ressources humaines à Bordeaux, qui a travaillé six mois en tant que formateur au sein de l’établissement à Kinshasa. D’insolent, chez les Rawji, il n’y aurait donc que les chiffres.

Source : Jeune Afrique

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